EXFILTRATION DE 7 FTP
DE LA MAISON D'ARRET DE LANNION
LE 8 MAI 1944



voir le récit de Louis Pichouron le commandant Allain

Au mois de mai 1944, plusieurs résistants et résistantes sont prisonniers à la maison d'arrêt de Lannion, leur transfert aux autorités allemandes - vers Saint-Brieuc ou Rennes bien souvent pour subir interrogatoires et tortures - est proche, il y a donc urgence à intervenir, avant que ces camarades soient fusillés ou bien envoyés en camp d'extermination.
Louis PICHOURON alias commandant ALLAIN, responsable départemental des FTP originaire de Plouguiel, donne l'ordre au maquis TITO installé dans le secteur de la forêt de Duault de faire un coup de main sur la prison de Lannion pour libérer les Résistants prisonniers.
Après avoir reçu de différentes sources les renseignements nécessaires :
- la complicité d'un gardien de la prison,
- l'aide de la famille ADAM dont la maison est mitoyenne à la prison, et dont le fils André est résistant, pour communiquer clandestinement avec les détenus lors des promenades quotidiennes dans la cour de la prison,
- la fourniture du plan de la prison par le gendarme résistant de la brigade de Perros-Guirec : Louis GUYOMARD,
- les renseignements pris par Mademoiselle Jeanne DISSEZ de Plouguiel lors d'une visite rendue à son frère René prisonnier dans cette prison,
- de Charles MOREAU qui connaît des prisonniers,
- de Bruno LE GALL et de Maurice BARRÉ.
L'attaque est décidée.
Une première tentative a lieu fin avril, qui ne peut réussir.
Une deuxième tentative échoue elle aussi.
La troisième tentative est fixée au 8 mai 1944.
Le groupe de volontaires du maquis TITO de Duault est composé de :
trois chauffeurs
- Yves ROHOU (1),
- HILLION alias le FAKIR,
- Théodore LE NENAN alias ETIENNE, chef de groupe.
six exécutants
- Charles MOREAU alias CHARLOT,
- François LAGADEC alias LOULOU (2),
- Georges OLLITRAULT alias JOJO,
- Gustave BROUDIC,
- Jean COADOU alias Petit JEAN
- HERPE alias Le PIAF.


François
LAGADEC

Georges
OLLITRAULT

Déroulement de l'exfiltration

Le 7 mai 1944 en fin d'après-midi, le groupe de volontaires quitte Maël-Pestivien près de Callac avec trois tractions avant Citroën, il y a 60 kilomètres à parcourir dans une zone où il y a beaucoup d'Allemands. Le groupe arrive avant la nuit sans encombre à Kerguiniou en Ploubezre chez Maurice BARRÉ. Les véhicules retournent à Cavan pour se mettre en lieu sûr.
Le groupe de six FTP quitte les lieux de nuit et à pieds pour atteindre Lannion à l'aube. Une halte est faite au domicile de la famille LAGADEC dont le fils Maurice a été fusillé la veille à Ploufragan avec dix-huit autres camarades, son frère François fait partie du commando nocturne ignore cette terrible nouvelle.
Les membres du groupe prennent la précaution de se chausser de chaussures souples pour ne pas être entendus durant la traversée de Lannion. François LAGADEC et Charles MOREAU servent de guide, car ils connaissent bien les lieux. Ils entendront lors de la traversée de Lannion les cris gutturaux des Allemands occupés à faire la fête.
A 6 heures, ils arrivent à la maison qui fait face à la prison, cette maison a été aussi réquisitionnée par les Allemands. Ne sachant pas si elle est occupée JOJO escalade le mur d'enceinte. Constatant qu'il n'y a personne, le groupe franchi à son tour le mur. Un carreau est descellé par Charles MOREAU, et tout le monde rentre dans la maison vide dans l'attente de l'heure de la relève des gardiens qui doit se produire à 7 heures 20.
Les maquisards sont prêts, ils observent à travers les vitres d'une fenêtre si rien d'anormal ne se passe aux abords. Chacun en profite pour se reposer.
A 7 heures 20, les hommes du groupe sortent avec précautions de la maison. Ils sont bien armés : colts, grenades, mitraillettes dissimulés, des poignards sont à portée de main, le tout est prêt a être utilisé en cas de besoin. Ils prennent position aux abords de la prison, se plaquant contre le mur d'enceinte de chaque côté de la porte d'entrée, pour ne pas être vus de l'intérieur des gardiens par le judas.
A 7 heures 25, les gardiens de jour qui sont des policiers français arrivent prendre leur travail. Chacun à leur tour ils sont braqués, placés devant la porte d'entrée, priés de se taire et de faire comme d'habitude. Un seul a essayé de se sauver, Charles MOREAU le rattrape et le ramène à l'aide de la pointe de son poignard. Finalement ce sont trois gardiens qui sont interceptés.
A 7 heures 30, ordre est donné aux gardiens de sonner à la porte pour se faire ouvrir, ils hésitent mais sous la menace, l'un d'eux se décide à le faire. C'est le gardien chef qui après avoir reconnu la relève par le vasistas de la porte, ouvre celle-ci. Dès l'ouverture de la porte les FTP bondissent de leurs cachettes et entrent en trombe à l'intérieur, ils emmènent avec eux les trois gardiens de jour les mains en l'air et font prisonniers sous la menace de leurs armes les gardiens de nuit. JOJO se précipite dans le bureau du gardien chef pour couper les fils du téléphone, aussitôt Charles MOREAU et François LAGADEC accompagnés d'un gardien et d'une gardienne se tenant près d'eux pour ouvrir les portes se dirigent au rez-de-chaussée vers les cellules.
Dès l'ouverture de la première cellule, JOJO leur crie " Debout là dedans, on vient vous libérer ". Ils n'osent y croire et pensent à un piège tendu par la police de Vichy et les nazis. Mais à la vue de Charles MOREAU que certains prisonniers connaissent, alors rapidement tous se lèvent et s'habillent , il s'agit de René DISSEZ, Emile RICHARD, Louis JEGOU et André PERROT.
Toujours sans perdre de temps, JOJO accompagné de la gardienne au service des nazis, et sous la menace d'une arme se dirigent vers le quartier de la prison réservé aux femmes à l'étage au fond d'un couloir. La gardienne doit être à nouveau menacée pour ouvrir les cellules. JOJO appelle Madame Philomène LE GALL, qui est l'épouse de Bruno LE GALL, elle hésite un instant pour se signaler. Pendant ce court intervalle, JOJO sent que quelqu'un lui tire sur sa veste, il reconnaît aussitôt Madame JOUANNET de La Croix--Joncourt en Loguivy-Plougras chez qui il est souvent allé se cacher. Il l'a prie de s'habiller rapidement. Une autre prisonnière s'est levée il s'agit de Mademoiselle Eulalie MARJO de Trédrez, elle est la fiancée de Emile HENRY de Ploumilliau qui lui aussi a été fusillé à Ploufragan le 6 mai 1944 avec dix-huit autres camarades au camp de manoeuvre de Ploufragan.
La Résistance n'était pas informée que ces femmes étaient arrêtées, certaines pour détention de matériel de déraillement et pour avoir hébergé des résistants.
Rapidement tous les prisonniers et prisonnières sont réunis devant la porte prêt à sortir alors que tous les gardiens sont mis en cellules.
7 heures 35, comme prévu les trois voitures arrivent devant la prison, guidés par le seul des trois conducteurs à connaître Lannion : Théodore LE NENAN.
Tous les prisonniers libérés sont guidés par Charles MOREAU et prennent place dans les voitures. Avant de quitter les lieux JOJO et François LAGADEC s'emparent des nombreuses clefs de cellules. Ils referment sur eux la porte de la prison. Le manque de place dans les voitures oblige JOJO à se mettre dans le coffre de la traction. Le coup de main a duré 10 minutes.
Seule ombre au tableau le gardien qui a ouvert sous la menace les cellules, à oublié volontairement d'ouvrir sur Jean BOUGET, de Pédernec, garde forestier de la forêt du Beffou en Loguivy-Plougras, qui est en cellule avec des droits communs, il sera déporté au camp de concentration de Buchenwald en Allemagne, d'où il reviendra en 1945, il est décédé au mois de décembre 2002.
Sur le chemin du retour une halte est faite chez le Docteur ROUZAUT à Cavan où attend Jeanne DISSEZ sœur de René, puis tout ce monde file sur la région de Callac, à Duault rejoindre le maquis TITO.
Les femmes sont emmenées au maquis de Peumerit-Quintin. Le lendemain ÉTIENNE, nommé capitaine de la compagnie TITO fait un rapport à Louis PICHOURON sur ce coup de main audacieux, qui a parfaitement réussi au milieu d'un secteur occupé par plus de 2000 Allemands.
La réussite de cette opération, qui aurait paru impossible aux plus téméraires, fut assurée grâce à sa préparation minutieuse et à la vaillance de ses auteurs.

Les personnes libérées

- Philomène KERDILES, épouse LE GALL (3),
- René DISSEZ, de Plouguiel 4),
- Émile RICHARD, de Langoat (5),
- Louis JEGOU, de Tréguier (6),
- André PERROT, de Tréguier (7),
- Augustine THOMAS, épouse JOUANNET (8), de Loguivy-Plougras,
- Eulalie MARJO, de Trédrez (9),

Les trois femmes étaient détenues pour infraction à la loi du 5 juin 1943.

(1) Yves ROHOU, né le 19 mars 1922 à Saint-Nicodème, demeurant à La Croix-Tasset en Saint-Nicodème, célibataire, assassiné 16 mai 1944 par les Allemands à Kerhir en Plounévez-Quintin.
(2) François LAGADEC "LOULOU", né le 7 mars 1922 à Lannion, demeurant à Lannion, célibataire, assassiné le 26 juin 1944 par les Allemands à la Croix-Tasset en Peumerit-Quintin avec deux autres FTP de la compagnie TITO.
(3) Philomène KERDILES, épouse LE GALL, née le 10 novembre 1913 à Saint-Servais, ménagère, demeurant à Tréguier, arrêtée le 12 février 1944 à Tréguier parce que son mari impliqué dans une affaire de distribution de tracts a pris la fuite.
(4) René DISSEZ, né le 13 février 1921 à Plouguiel, demeurant à Plouguiel, arrêté le 12 février 1944.
(5) Emile RICHARD, né le 29 août 1917 à Langoat, manœuvre, marié, arrêté le 9 février 1944 à Pommerit-Jaudy sur ordre des autorités allemandes.
(6) Louis JEGOU, né le 3 août 1924 à Tréguier, célibataire, commis charcutier, demeurant à Tréguier, arrêté le 12 février 1944 à Tréguier pour défaut de fourniture de jambon aux autorités allemandes.
(7) André PERROT, né le 2 avril 1908 à Saint-Servais, charcutier, marié, trois enfants, demeurant à Tréguier, arrêté le 12 février 1944 à Tréguier pour défaut de fourniture de jambon aux autorités allemandes.
(8) Augustine THOMAS, épouse JOUANNET, veuve de Marcel THOMAS, née le 23 septembre 1905 à Loguivy-Plougras, deux enfants âgés de 12 ans et 8 ans, demeurant à La Croix-Joncourt en Loguivy-Plougras, commerçante, tenait une épicerie - restaurant, de nombreux résistants furent hébergés chez elles, son commerce servait de point de ralliement des FTP, arrêtée le 18 février 1944 à son domicile.
(9) Eulalie MARJO, née le 25 juin 1927 à Trédrez, couturière, demeurant chez sa mère au bourg de Trédrez, hébergée chez Madame JOUANNET depuis un mois, arrêtée le 18 février 1944 au domicile de Madame JOUANNET. Hospitalisée à Lannion elle se trouvait dans la chambre voisine à Jean LE JEUNE lors de son évasion.


batiment situé à proximité de la chapelles des Ursulines à Lannion,
pendant l'occupation c'était une maison d'arrêt,
la garde était assurée par des français